Le Qatar avait versé 1,8 million de dollars à la Confédération africaine (CAF) en janvier 2010 « pour pouvoir exposer leur projet » de candidature au Mondial 2022, a déclaré son président Issa Hayatou dans l’hebdomadaire « Jeune Afrique », tout en niant toute corruption : « Les Qataris nous les ont donnés pour pouvoir exposer leur projet (de candidature à la Coupe du monde 2022) lors du congrès » de Luanda en janvier 2010.
Mais selon Issa Hayatou, ce n’était en aucune manière une façon d’acheter les voix des fédérations africaines… « D’ailleurs, j’ai convoqué immédiatement après le comité exécutif de la CAF pour dire que ce qui s’était passé ne nous engageait en rien. Je n’ai donné aucune consigne, et chacun a voté en son âme et conscience », raconte-t-il.
Interrogé sur cette exposition de projet, un porte-parole de la CAF a précisé à l’AFP que « ce comité (de candidature du Qatar) souhaitait avoir ce privilège en exclusivité ». « La proposition a été présentée aux membres du comité exécutif qui l’ont adoptée. Le Qatar a présenté son projet. L’argent a été payé à la CAF et figure dans les états financiers de la Confédération ».
Concernant les allégations de Phaedra Almajid, ancienne membre du comité de candidature qatari qui accuse Issa Hayatou d’avoir négocié sa voix 1,5 million de dollars, le président de la CAF a répondu qu’elle racontait « n’importe quoi ». « On lui demande de fournir des preuves. Elle n’en a pas apporté », déclare-t-il.
Le Comité exécutif de la Fifa réuni jeudi à Zurich « a décidé que la finale aurait lieu le dimanche 18 décembre
La Fifa a confirmé jeudi que le Mondial 2022 au Qatar se tiendrait pour la première fois de l’histoire en automne avec un coup d’envoi « en principe » le 21 novembre et une finale le 18 décembre, un calendrier qui mécontente les clubs et championnats européens.
Le Comité exécutif de la Fifa réuni jeudi à Zurich « a décidé que la finale aurait lieu le dimanche 18 décembre, jour de la fête nationale au Qatar, et du principe d’un tournoi de 28 jours », a déclaré Walter de Gregorio, directeur de la communication de la Fifa.
Les 23 membres du comité exécutif, qui doivent encore arrêter la date officielle du coup d’envoi du Mondial au Qatar, « se sont basés », selon M. de Gregorio, sur les recommandations du groupe de travail de la Fifa. Mais l’instance mondiale va maintenant travailler à « une adaptation du calendrier international », afin probablement de ménager les clubs et championnats européens.
Le Mondial en automne « est une bonne solution pour les joueurs », a réagi Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football (FFF), interrogé à Zurich après l’attribution à la France du Mondial féminin 2019 par la Fifa. « J’ai toujours été partisan de moins jouer en hiver (en clubs) et plus en été ».
Depuis l’attribution de la Coupe du monde à l’Emirat du Golfe en décembre 2010, les controverses pleuvent entre soupçons de corruption et dénonciation des conditions de travail sur les chantiers du Mondial.
Sans oublier le casse-tête d’un calendrier qui devait obligatoirement être modifié en raison des chaleurs estivales au Qatar – parfois jusqu’à 50° – mettant en péril la santé des joueurs comme celle du public.
La Fifa devait de plus à tout prix ne pas entrer en concurrence avec les jeux Olympiques d’hiver 2022, dont le pays organisateur – Pékin et Almaty sont candidats – sera connu en juillet prochain.
Mais surtout, face à la fronde, l’objectif était de gêner le moins possible les grands championnats européens.
– « Le temps de faire les achats de Noël » –
Les Ligues européennes grincent en effet déjà des dents (contrairement à l’UEFA, prête à moduler le calendrier de sa Ligue des champions). Au premier rang des mécontents, la richissime Premier League et son rituel du « Boxing Day » à la période de Noël, qui risquait d’être menacé par le Mondial.
« Il faut s’assurer que l’on puisse conserver intact notre programme des fêtes », avait souligné le directeur exécutif de la Premier League, Richard Scudamore. Il a été entendu avec une finale le 18 décembre. Mais il s’inquiète toujours de « l’intégrité du championnat, car une coupure de six ou sept semaines, ce n’est évidemment pas idéal ». Même tonalité en Espagne, où la Ligue a estimé le mois dernier que ce calendrier « perturberait la déroulement normal des compétitions européennes et provoquerait de graves dommages ».
Les Ligues européennes réclament donc toujours des « dédommagements » financiers, formulés par Karl-Heinz Rummenigge, patron de l’ECA (Association européenne des clubs). Revendication pour l’heure refusée. « Il n’y a aura pas de compensation financière, il y a sept ans pour s’organiser », assurait en février le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke.
Mais un Mondial en automne a aussi ses partisans, notamment parmi les entraîneurs anglais, qui estiment que l’absence de trêve et la répétition des matches lors de la période du Boxing Day provoque des risques accrus de blessure.
Les diffuseurs européens se réjouissent eux d’une diffusion en novembre-décembre, période préférée par les annonceurs avant les fêtes.
« Terminer le 18 décembre, cela laissera le temps de faire les achats de Noël », a conclu M. de Gregorio.
Phaedra Almajid, ancienne chargée de la communication du comité de candidature Qatar-2022, raconte dans une interview à France Football à paraître mardi avoir vu des responsables qataris proposer en janvier 2010 de l’argent à des dirigeants du football africain.
Mme Almajid évoque une réunion qui s’est tenue dans une suite d’un hôtel de Luanda, la capitale de l’Angola, où était organisé en janvier 2010 le congrès de la confédération africaine.
Une personne « indique que les Qataris sont ravis de la présence (d’un) haut dirigeant (du foot africain) et qu’ils souhaitent faire bénéficier sa fédération d’un don d’un million de dollars », raconte-t-elle à France Football.
« Ce monsieur répond, sans même un regard pour le Qatari: +Ah, un million de dollars… Pourquoi pas un million et demi de dollars+. Et le Qatari dit qu’il espère pouvoir compter sur son soutien. L’intéressé lui assure que c’est le cas. Et c’est fini », ajoute-t-elle.
Selon elle, la même scène aura lieu avec deux autres responsables du foot africain. Aucun des protagonistes n’est identifié.
Mme Almajid explique avoir décidé de parler après que son anonymat a été compromis par la synthèse rédigée par Hans-Joachim Eckert, président de la chambre de jugement de la commission d’éthique de la Fifa.
Dans ce texte publié en novembre, Eckert avait conclu de sa lecture du rapport d’enquête de Michael Garcia, président de la chambre d’instruction de la commission d’éthique, que l’attribution des Mondiaux 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar n’avait pas lieu d’être remise en cause, malgré des éléments douteux « de portée très limitée ».
« Eckert et la Fifa n’ont pas été loyaux envers moi. (Eckert) m’a jetée aux lions en m’identifiant dans son rapport », explique Mme Almajid dans son interview à France Football.
Plusieurs enquêtes ont été ouvertes par la commission d’éthique contre « des individus » dans la foulée du rendu du rapport Garcia.
Parallèlement à ces enquêtes internes, Joseph Blatter, au nom de la Fifa qu’il préside, a porté plainte en raison de « soupçons » qui pèsent « sur des transferts internationaux de patrimoine avec comme point de contact la Suisse ». Cette « plainte auprès du Ministère public de la Confédération helvétique à Berne », motivée par les conclusions du fameux rapport Garcia, a pour objet « un mauvais comportement présumé de diverses personnes dans le cadre de l’attribution » des Mondiaux.