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Accusés d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, chef d’accusation abolie par la Constitution du 25 octobre 2015, pour les uns, et de détention illégale d’armes et munitions de guerre pour l’autre, Jean-Marie Michel Mokoko, Norbert Dabira, Jean-Martin Mbemba et André Okombi-Salissa ont tous été reconnus coupables et condamnés à des peines d’emprisonnement différentes par la Cour d’appel, siégeant en session criminelle sous la présidence de Christian Oba. Mais, quelle leçon tirer de ces quatre procès qui ont laissé dubitatifs les Congolais ?
L’ancien candidat à la présidentielle de 2016, Jean-Marie Michel Mokoko, 71 ans, a été condamné le 11 mai 2018, à 20 ans de prison ferme. Jusqu’à la fin du procès, il a nié les faits qui lui étaient imputés. Le général de deuxième section a accueilli le verdict en regardant le président de la Cour, Christian Oba, droit dans les yeux et impassible, lui qui ne s’est quasiment pas exprimé au cours de son procès. Tout était parti d’une cassette vidéo tournée en 2007, qui avait ressurgi en pleine campagne présidentielle.
Au terme presque de deux années d’instruction, il a suffi d’un peu plus de quatre heures à l’accusation pour présenter les éléments censés démontrer la culpabilité du général à la retraite. Il fut aussi question de conversations téléphoniques que le général était accusé d’avoir eues avec des mercenaires français postés au Gabon à l’époque de la présidentielle.
Ni le général Mokoko, ni ses avocats n’ont pris la parole. Il n’y a donc eu aucun débat contradictoire à ce procès, les éléments de preuve présentés par le procureur général n’ont pas pu être discutés et seule l’accusation s’est exprimée au cours des plaidoiries.
Dans une lettre publiée depuis sa cellule de prison, Jean-Marie Michel Mokoko qui a refusé d’interjeter appel, a pointé du doigt ce qu’il présente en quelque sorte comme son péché originel: sa décision d’affronter le président Denis Sassou-Nguesso à l’élection de 2016.
Après le procès Mokoko, un autre officier général qui fut proche du président Denis Sassou-Nguesso, était à la barre. Norbert Dabira, 68 ans, était jugé lui aussi pour des faits presque similaires. L’ancien inspecteur des Forces armées congolaises aurait ourdi un complot selon un plan qui consistait à «recruter deux tireurs d’élite ayant pour mission d’abattre le chef de l’Etat en tirant sur son aéronef soit au décollage, soit en plein vol, soit à l’atterrissage». Les faits remontent à 2017. Au cœur de ce procès, une conversation téléphonique qui aurait été interceptée par les services de renseignements intérieurs, entre les généraux Norbert Dabira et Ngatsé Nianga Mbouala, alors commandant en chef de la Garde républicaine. Il y est question d’un projet de coup d’Etat.
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Contrairement à Mokoko, Norbert Dabira n’a pas gardé le silence ; il a parlé. Au terme de cinq jours de procès, l’ancien Haut-commissaire à la réinsertion des anciens combattants a été condamné le 19 mai 2018 à 5 ans d’emprisonnement ferme avec interdiction d’exercer des activités politiques ou militaires. Ses avocats congolais et français ont dénoncé un «règlement de compte politique maquillé en procédure judiciaire». Son procès avait débuté le 15 mai 2018. Le condamné a lui aussi refusé d’interjeter appel.
Un autre proche du président de la République, Jean-Martin Mbemba, a été condamné par contumace le 1er juin 2018, à 10 ans de détention criminelle. Il lui est reproché d’avoir, à Brazzaville courant 2013, commis le crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat dans le but, soit de détruire ou changer le Gouvernement, soit d’inciter les citoyens à s’armer contre l’Etat congolais en appelant à l’insurrection et à la désobéissance civile, soit en voulant déstabiliser les institutions dans le but de s’emparer du pouvoir.
La direction générale de la surveillance du territoire (DGST) avait ouvert à son encontre une enquête pour possession d’armes de guerre. Là aussi, les preuves de l’accusation n’ont pas été démontrées ou prouvées par le ministère public. Son procès avait débuté le 23 mai 2018. Jean-Martin Mbemba n’était pas présent dans la salle d’audience; il a gardé le silence tout le long du procès en choisissant de s’exiler.
André Okombi-Salissa (56 ans), ancien ministre et candidat à la présidentielle de 2016, proche du président de la République, a été condamné à 20 ans de travaux forcés le 6 mars 2019, en l’absence de ses avocats, confirmant le réquisitoire du parquet. Il a été reconnu coupable, au cours d’un procès qui a débuté le 17 janvier dernier.
Comme Jean-Michel Mokoko et Norbert Dabira, le sort d’André Okombi-Salissa a été scellé avec les nouvelles preuves apportées en cours d’audience. Il s’agit des écoutes téléphoniques qui, pour le parquet général et la partie civile, constituent une preuve supplémentaire de l’accusation. La défense n’a pas partagé cet avis. Pour elle, ces écoutes portent sur la période 2015 alors que les enquêtes préliminaires concernant André Okombi-Salissa ont eu lieu courant 2016: «Du coup, ces écoutes ne doivent pas être versées au dossier». La défense a même argué, sans succès, que les écoutes téléphoniques, quelle que soit leur raison, sont une pratique devenue illégale car le Congo a ratifié en 1983 un traité qui les interdit. Il s’agit du pacte international aux droits civils et politiques.
Les leçons à retenir des quatre procès, c’est que tous ont porté sur un complot en vue de renverser, soit les institutions de la République soit tuer physiquement le Chef de l’Etat. En plus des chefs d’accusation d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, Mokoko, Okombi et Mbemba étaient également poursuivis pour détention illégale d’armes et munitions de guerre.
Les deux généraux et André Okombi Salissa ont fait l’objet d’écoutes téléphoniques qu’on a auditionnées pendant leur procès. Jean Marie Michel Mokoko a opté pour le silence lors du procès, tandis que Dabira et Okombi ont décidé de parler. Les avocats de Mokoko et d’Okombi avaient quitté la salle d’audience le dernier jour du procès, alors que ceux de Dabira y sont restés jusqu’à l’annonce du verdict. Les inculpés ont été reconnus coupables des faits qui leur ont été reprochés. Au-delà de ces chefs d’accusation, les écoutes téléphoniques ont plutôt alimenté les débats et servi de preuves de condamnation, à l’exception du procès de Jean-Martin Mbemba.
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