De retour d’une longue mission en Europe, le président du parlement ivoirien, Guillaume Kigbafori Soro, a annoncé jeudi, à son arrivée à Abidjan qu’il ira «demander pardon» à l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, dans le cadre de l’élan de réconciliation nationale dans lequel il s’est inscrit.
« J’ai décidé de demander une fois de plus pardon aux ivoiriens pour tout ce que, depuis 2002, j’ai pu consciemment ou inconsciemment commettre comme offenses à ce peuple qui a tant souffert. J’adopterai la même démarche de pardon et j’irai demander pardon à mes aînés, les présidents Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et aussi Laurent Gbagbo », a déclaré M. Soro ajoutant qu’en « ce qui me concerne, j’ai déjà pardonné et je suis désormais sans rancune, ni colère ».
« De retour en Côte d’Ivoire, j’ai pu noter des signes d’agitations», a fait remarquer Guillaume Soro avant d’indiquer « qu’en tant qu’acteur politique et au nom de la responsabilité qui est la mienne, je voudrais lancer un appel au calme, à la pondération et à la retenue des uns et des autres. Personne n’a intérêt à jouer contre la sérénité et la stabilité de la côte d’Ivoire ».
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Poursuivant son plaidoyer en faveur de la réconciliation entre ivoiriens, l’ancien premier ministre a insisté sur la nécessité de la « vraie repentance et du pardon» des uns et des autres, acteurs politiques y compris pour arriver à cette fin.
« Je vous en conjure, ne nous divisons pas. La division ne pourra que nous amener à la catastrophe. Rassemblons-nous», a-t-il supplié réitérant pour terminer, son engagement en faveur de l’Union des ivoiriens.
« C’est cette mission de rassemblement par le pardon que je me suis assigné et rien ne m’en détournera », a assuré M. Soro. Au cours de sa mission européenne, Guillaume Soro était successivement en Belgique, au Luxembourg et en France. L’on retiendra de ce séjour de M. Soro, qu’il a signé une convention entre le parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles et l’Assemblée nationale ivoirienne.
A Luxembourg où il était également dans le cadre des activités de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, Guillaume Soro a été élu premier vice-président de cette institution.
L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo attend son procès devant la Cour pénale internationale de la Haye, le 28 janvier 2016
La défense de Laurent Gbagbo a affirmé lundi que son rival, le président Alassane Ouattara, s’était emparé du pouvoir « par la force » avec l’aide de la France, au troisième jour du procès de l’ex-chef d’Etat ivoirien devant la Cour pénale internationale.
M. Gbagbo, 70 ans, est le premier ex-président poursuivi par la CPI. Son procès pour crimes contre l’humanité s’est ouvert jeudi et doit durer entre trois et quatre ans.
Avec son co-accusé Charles Blé Goudé, 44 ans, ex-chef de milice, il est poursuivi pour son rôle dans la crise née de son refus de céder le pouvoir à M. Ouattara, reconnu vainqueur par la communauté internationale de l’élection présidentielle de fin 2010.
« Alassane Ouattara et ses soutiens voulaient se saisir du pouvoir par la force et la bataille d’Abidjan est la mise en oeuvre de cette stratégie », a déclaré Emmanuel Altit, avocat de M. Gbagbo, lors d’une audience publique à La Haye, où siège la CPI.
Rappelant que son client avait été arrêté en avril 2011 après des bombardements français, l’avocat a soutenu que « la France ne voulait pas d’une paix négociée » entre les deux rivaux de la présidentielle.
Il a accusé Paris, l’ancienne puissance coloniale, d’avoir préparé « en sous-main » l’offensive ayant mené à la chute de l’ex-président, notamment en fournissant des armes aux forces pro-Ouattara malgré un embargo décrété par l’ONU.
Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois, des deux côtés des belligérants, transformant en champ de bataille certaines zones du premier producteur mondial de cacao, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest.
Selon Jennifer Naouri, une autre avocate de la défense, les rebelles pro-Ouattara du nord du pays ont amélioré leur organisation avec le soutien de la France et du Burkina Faso, « au fur et à mesure que se rapprochait l’élection présidentielle de 2010 ».
– Caches d’armes –
A l’ouverture du procès jeudi, la procureure Fatou Bensouda avait accusé M. Gbagbo de s’être accroché au pouvoir « par tous les moyens », et d’avoir organisé l’attaque de civils perpétrées par des forces gouvernementales et milices sous le contrôle des accusés.
Regrettant qu’aucun responsable du camp Ouattara ne soit poursuivi par la CPI, l’avocat de Laurent Gbagbo a accusé lundi le bureau du procureur de peindre « à grands traits un camp du bien et un camp du mal ».
Selon la défense, c’est le camp Ouattara qui avait préparé la prise du pouvoir par la force, notamment via « une campagne de recrutement de mercenaires lancée début 2010 au Burkina Faso ». « Ces recrues ont été transférées dans le nord de la Côte d’Ivoire, où elles ont été militairement entraînées et armées ».
Selon la défense, des combattants pro-Ouattara s’étaient, « dès avant l’élection présidentielle de 2010 », infiltrés à Abidjan, où des caches d’armes avaient été préparées, notamment dans le quartier d’Abobo.
– « Pas un despote » –
« Peut-être veut-on faire oublier les crimes, dont les pillages et les viols, dont s’étaient rendus coupables dès décembre 2010 soldats et mercenaires pro-Ouattara ? », s’est interrogé Me Altit.
Le dossier présenté par l’accusation « n’est que la reprise pure et simple, sous des habits juridiques, d’un narratif de nature politique » visant à légitimer le pouvoir d’Alassane Ouattara, a soutenu Me Altit.
« Le président Gbagbo n’est pas despote », mais un « démocrate sincère », a affirmé Agathe Bahi Barouan, une troisième avocate.
La peine maximale encourue devant la CPI est de 30 ans de prison, mais les juges peuvent prononcer une peine plus lourde s’ils estiment que les crimes commis sont exceptionnellement graves.
Laurent Gbagbo, dont la santé est « fragile », selon ses avocats, avait été livré à la CPI en 2011. Charles Blé Goudé l’avait été en 2014.
Simone Gbagbo, épouse de Laurent, a été condamnée à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire pour son rôle dans la crise, en compagnie de 78 autres personnes.
Mme Bensouda avait tenté d’apaiser jeudi les critiques lui reprochant de ne pas poursuivre le camp Ouattara, assurant devant les juges : « Nous enquêtons sur les deux côtés du conflit (…) cela prend du temps et nous demandons de la patience ».
Emmanuel Altit s’est lui dit prêt à « parier » qu’aucun pro-Ouattara ne serait traduit devant la CPI.
La star internationale du Reggae, l’Ivoirien Seydou Koné dit Alpha Blondy demande que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé soient ramenés en Côte d’Ivoire pour y être jugés comme l’ex-Première dame, Simone Gbagbo.
Dans une interview à paraître lundi dans les colonnes du magazine panafricain Jeune Afrique, Alpha Blondy demande de ramener Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire pour les juger comme Simone Gbagbo, rapporte le Directeur des rédactions de ce magazine, François Soudan.
Pour Alpha Blondy, la Cour pénale internationale (CPI) où l’ancien Chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo et son ex-ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé ont été envoyés est un lieu de « déportation ».
L’artiste planétaire a pris cette position en sa qualité d’Ambassadeur pour la paix de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il avait dans le même élan plaidé la semaine dernière en faveur de l’ancien ministre sénégalais et fils d’Abdoulaye Wade, Karim Wade emprisonné pour six ans de prison pour enrichissement illicite.
La CPI a décidé de juger Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé au cours d’un seul et même procès. L’ex-Première dame Simone Gbagbo a été condamnée en mars dernier à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour son rôle durant la crise post-électorale de 2010-2011.
78 personnes ont été également jugées à ses côtés pour leur rôle dans la crise post-électorale de 2010-2011, causée par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010. Les violences entre les deux camps ont fait plus de 3.000 morts en cinq mois.