Les fonctionnaires congolais sont à trois mois sans salaire et les retraités vivent en moyenne huit mois sans leur pension, selon l’ex ministre congolais de la Défense, Charles Zacharie Bowao devenu opposant depuis août 2015.
Pour le porte-parole de la Fédération de l’opposition Frocad-Idc-CJ3M, le Congo ressemble aujourd’hui à « une entreprise en cessation de paiement. C’est la banqueroute. Le pays a perdu ses lettres de noblesses dans le concert des nations ».
«Le pays est dans une situation insoutenable. Sa dette est le fruit d’une mauvaise gouvernance du pays. Depuis 2014, le pays se dirige vers l’implosion à la fois pour des raisons politiques, économiques et sociales », a ajouté Charles Zacharie Bowao dans une interview accordée à MondAfrique.
Le Congo est asphyxié économiquement et financièrement. Et même les négociations menées au FMI s’avèrent infructueuses. L’État congolais avait caché une partie de sa dette qui s’avère être de 120% du PIB contre 80% annoncé à l’institution de Bretton Woods.
Pour obtenir à nouveau les financements du FMI et relancer son économie, le président Dénis Sassou Nguesso a sollicité l’expertise de l’ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss Kahn.
La dette extérieure globale du Congo est évaluée à 4 300 milliards de F CFA.
Charles Zacharie Bowao, l’ancien ministre de la Défense de Denis Sassou Nguesso ne cache plus ses appréhensions contre le régime qu’il a quitté pour rallier l’opposition depuis septembre 2015. M. Bowao était contre la tenue du référendum sur le changement de Constitution qui ouvre la voie d’un troisième mandat présidentiel à Sassou Nguesso.
Il s’affiche comme l’un des chefs de file de l’Initiative pour la démocratie au Congo (IDC), qui rassemble les dissidents de la majorité présidentielle, alliée au Front républicain pour le respect constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad). Charles Zacharie Bowao a regagné Brazzaville depuis mi-décembre pour coordonner la lutte.
Dans une interview qu’il a accordée au journal français Le Monde, l’ancien ministre de la Défenseindique qu’il n’avait plus rien à faire en France.
«En tant que philosophe de formation, j’avais une mission à accomplir dans le cadre d’un partenariat universitaire. Je n’étais pas en exil. A Brazzaville, je vais reprendre mes cours à l’université Marien Ngouabi et continuer mes activités politiques et apporter ma contribution à la réflexion et aux actions de l’opposition pour sortir le pays de cette impasse», a-t-il avancé. L’ancien ministre indique que Denis Sassou Nguesso mène un coup d’Etat anticonstitutionnel qui est toujours en cours. Le professeur Bowao estime que contrairement aux résultats annoncés (92,96 % de votes favorables et une participation de 72,44 %), le taux de participation n’a pas dépassé les 5 %.
«Le pouvoir de Denis Sassou Nguesso n’a plus de légitimité. Ce n’est plus qu’un président de fait», a-t-il dit ajoutant que le peuple congolais a démontré sa capacité d’opposition et a boudé ce référendum. «On s’attendait à ce que Denis Sassou Nguesso agisse comme un grand chef d’Etat capable d’être à l’écoute de son peuple. Il n’en fut rien. Et son obsession sécuritaire l’a mené à la répression de manifestants pacifiques», dénonce-t-il.
Revenant sur la question du leadership de l’opposition, l’ancien compagnon de Sassou Nguesso, explique cette opposition étaient en train de se structurer au moment de l’organisation de référendum mis en cause. Mais il condamne l’usage de la force et les moyens mis en œuvre pour faire taire les opposants. «Plus que l’absence de leadership, c’est bien l’obsession sécuritaire du président qui a bloqué toute mobilisation de l’opposition. J’en tire les leçons. L’IDC et le Frocad aussi. Nous sommes la majorité républicaine et nous travaillons à une organisation plus cohérente, plus efficace», promet le néo opposant.
Charles Bowao soutient l’appel des manifestants de Pointe-Noire à l’aide le général Jean-Marie Michel Mokoko, ancien chef d’état-major de l’armée pendant la conférence nationale de 1991. Pour lui, le général Mokoko, tout comme d’autres officiers, ont un rôle à jouer et leurs analyses de la situation comptent.
«Il y a au Congo des hauts responsables militaires et des cadres qui sont disposés à contribuer à œuvrer pour la démocratie. Je suis d’ailleurs en contact avec certains d’entre eux. Et il faut les intégrer à la réflexion sur cette question de leadership au sein de l’opposition, et plus généralement de l’alternance à Denis Sassou Nguesso», déclare l’ancien patron de la défense.
L’ancien ministre de la Défense relève que le changement de la Constitution paralyse le pays, aggrave la misère et excite les haines. Il annonce des initiatives pour un retour à la Constitution du 20 janvier 2002 qui empêche Sassou de briguer un 3e mandat. Il appelle également à un dialogue sur la gouvernance électorale pour la mise en place d’une véritable commission électorale indépendante.
Charles Bowao dit savoir que des pressions sont mises sur le pouvoir en place suite au référendum illégal et ne doute pas qu’un retour à la raison permettra de sortir de la logique actuelle de coup d’Etat.
«Autrement, je crains que le pouvoir ne soit débordé par une insurrection. On peut tous être débordé par cela. Le temps est court, mais je veux encore croire que le génie des Congolais peut faire des miracles», conclut-il.
L’ancien ministre congolais de la défense, Charles Zacharie Bowao|Capture d’écran de France24
Annoncé à 14h ce 17 décembre 2015, le vol ramenant Charles Zacharie Bowao de Libreville à Brazzaville vient d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport international Maya-Maya, dans la capitale congolaise.