Congo-Brazzaville : des veillées mortuaires transformées en foire

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Image d’archive | © Capture d’écran sur une vidéo youtube

Un spectre hideux hante la société congolaise dans sa globalité. Ce spectre, c’est la transformation des veillées mortuaires en un lieu de désordre, des rivalités claniques, des rencontres amoureuses, de la promotion vestimentaire. La liste de tous ces maux qui entravent le bon fonctionnement de la société congolaise  n’est pas exhaustive.

  Dans  la société africaine d’hier, les veillées mortuaires étaient les lieux où les humains venaient exprimer leurs douleurs, leurs compassions et leurs indignations à la suite de la mort de celui que l’on avait tant aimé.

   En effet, l’expression  de ces douleurs et de ces compassions étaient traduites soit par des pleurs, soit par des chants religieux et traditionnels qui avaient une dimension épique et pathétique afin de se souvenir des bons et des mauvais moments que l’on a passés avec le de cujus.

   Elles étaient également les lieux où tout le monde venait s’adjoindre à la famille endeuillée pour compatir au malheur de cette dernière qui a été frappée par  un décès. C’est pourquoi, Il y avait par exemple des attitudes exclusives à adopter  lors d’une  veillée mortuaire. A ces attitudes exclusivement réservées au deuil, nous pouvons citer entre autres: le respect des morts, la courtoisie, la pudeur envers la famille endeuillée et des accoutrements décents.

   Malheureusement, au lieu d’avoir une pensée pieuse à l’endroit de l’illustre disparu, la jeunesse actuelle se livre plutôt à des actes de vandalismes allant ainsi à l’encontre de l’éthique et des normes sociales. D’ailleurs, les obsèques d’un élève mieux encore d’un étudiant au Congo Brazzaville sont des indices importants qui attestent que les lieux des veillées mortuaires se sont transformés en un lieu de  barbarie, en un  spectacle, du désordre où ces jeunes, pour des fins, peut-être inavouées ou machiavéliques, prennent en otage la dépouille de l’illustre disparu en la faisant balader à travers tout le quartier afin de connaitre les véritables commanditaires de la mort de celui -ci.

   De ce fait,  des menaces et des intimidations sont souvent orientées à l’endroit des parents du de cujus, qui sont tantôt accusés à tort ou à raison d’avoir participé d’une manière surnaturelle et nocturne à la mort du défunt.

   De plus, par manque de devoir de réserve, ces jeunes posent tantôt des actes anormaux allant à l’encontre de la morale, des valeurs cardinales de la société, de l’instruction civique. De ces actes insensés posés par ces jeunes, nous pouvons mentionner entre autres : la destruction et le pillage des biens de la famille du de cujus, des injures publiques, des menaces physiques et morales,  la destruction des biens publics et privés.

   Un autre acte blâmable qui est  d’ailleurs devenu légion dans la culture de cette jeunesse en perte de vitesse pendant les veillées mortuaires est le fait de s’emparer de la dépouille de l’illustre disparu, de la faire danser au sein de son domicile afin de connaitre des véritables instigateurs de la mort de ce dernier.

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   Un nombre important des parents ayant perdu leurs enfants apportent ainsi la preuve tangible et irréfutable qu’ils ont été victimes pendant les obsèques de leurs enfants de cette barbarie orchestrée par leurs camarades de classes.

   Ce véritable casse-tête chinois devrait en principe être l’une des préoccupations des pouvoirs publics, lesquels devraient prendre des lois et des décisions qui s’imposent  afin que ne cessent ce désordre et la psychose qui se créent au cours des veillées mortuaires.

   Cette question sensible qui constitue une entrave à  l’épanouissement de la société est au cœur de vives polémiques entre la jeunesse actuelle et les anciens, qui pensent que cette jeunesse est en déphasage avec les règles élémentaires de la morale. C’est dans cette perspective que ces anciens, en ayant recours à la tradition africaine pensent qu’une veillée mortuaire est un lieu de recueillement, un lieu où l’on vient compatir à la douleur de la famille endeuillée. Elle n’est cependant pas le lieu des rivalités claniques, moins encore un espace de spectacle où l’on assiste souvent à des mises en scènes faites par des individus mal intentionnés. Pour exprimer ainsi sa marque de sympathie, d’amour et de compassion à la suite d’un décès,  Sony Labou Tansi fait une déclaration dans Littérature Congolaise: « Les veillées mortuaires sont une occasion pour les vivants de se souvenir de leurs morts, de partager et de compatir à la douleur de la famille endeuillée ».

    Il va de soi que la jeunesse actuelle a perdu presque tous les repères moraux de la tradition africaine qui consacraient un sens de respect et de pudeur au lieu des veillées mortuaires.

   A ces repères moraux qu’a perdus cette jeunesse, nous pouvons citer  entre autres: le manque de pudeur envers les  ainés et la tenue des propos discourtois touchant ainsi les règles de la morale.

   Il est important de souligner que de nos jours, il y a une grande ligne de démarcation entre les veillées mortuaires d’hier et celles d’aujourd’hui où l’on voit certains jeunes se déshabiller devant une foule immense soi-disant pour exprimer leur mécontentement à la suite du décès d’un de leur ami. Des jeunes filles par contre, portent, lors des veillées mortuaires des  habits qui vont à l’opposé des principes phares de la morale exposant ainsi les parties intimes du corps humain avec des accoutrements indignes.

   Ayant constaté et observé l’immoralité de cette jeunesse pendant des veillées mortuaires, l’artiste musicien Madilu System qui, dans l’un de ses morceaux intitulés : « Ya Jean », fait parler sa voix : « C’est dans des veillées mortuaires d’hier qu’étaient exprimées la pitié et la compassion. Contrairement à celles d’aujourd’hui  qui sont devenues des lieux de joie, de jalousie, de jouissance, de moquerie et des rencontres amoureuses ».

   Loin d’être seulement  un endroit où les gens viennent se livrer à des actes asociaux et anormaux, les veillées mortuaires sont aussi devenues au Congo Brazzaville un lieu où certains sapeurs viennent faire de la promotion vestimentaire. Sans scrupule et sans pudeur, ils viennent ainsi étaler leurs richesses vestimentaires tout en faisant le marketing des griffes de leurs vêtements.

   Les obsèques des artistes musiciens Rapha Boundzeki et Papa Wemba sont une illustration pertinente à ce sujet.

   En effet, pendant les obsèques de l’artiste musicien Rapha Boundzeki au Centre Culturel Sony Labou Tansi de Brazzaville, l’actualité  culturelle nationale était plus dominée par l’affrontement vestimentaire entre les sapeurs venus de la France et ceux du Congo Brazzaville d’une part, et entre ceux venus du Congo démocratique d’autre part.

   Certains médias du Congo Brazzaville ainsi que celles du Congo démocratique, au lieu d’avoir une pensée pieuse en mémoire de l’illustre disparu, d’organiser des plateaux ou des émissions instructives et éducatives à travers la portée didactique de certaines chansons de l’artiste, ont plutôt passé tout leur temps à ne parler que de l’affrontement vestimentaire entre les sapeurs  venus de la diaspora et ceux du Congo Brazzaville. Au lieu  d’exprimer sa douleur et sa compassion envers Rapha Bounzeki devant les téléspectateurs qui le suivait de partout, Max Toundé, lors d’une émission organisée par la DRTV à la suite de la mort de Rapha Boundzéki avait fait une déclaration tapageuse : «  Que celui qui n’a pas d’habits pour assister aux obsèques de Rapha Boundzeki  qu’il me téléphone après cette émission pour que je lui donne un costume. Mais, des personnes sales et débraillées ne doivent se présenter à ces obsèques sinon elles auront des comptes à me rendre. »

   De même, la mort de l’artiste musicien Papa Wemba a été un grand rendez-vous vestimentaire où l’on a assisté à un grand affrontement vestimentaire entre les sapeurs locaux et ceux de la diaspora. Ainsi, ses  obsèques ont été aussi un lieu de vives polémiques entre les sapeurs relevant de différents horizons culturels.

   Comment concevoir que les lieux des veillées mortuaires puissent se transformer facilement en un lieu de spectacle où certaines filles viennent exposer publiquement leurs nudités  avec des accoutrements indignes  qui font subir des derniers outrages aux règles de la morale ?

   Il va sans dire que les témoignages relatifs aux obsèques de l’artiste musiciens Rapha Boundzeki et de Papa Wemba donnent un aperçu très pénétrant des rouages de ses pratiques qui laissent à désirer.

   Par ailleurs, pendant des veillés mortuaires, certains jeunes, qui par excès de zèle ou par folie de grandeur, prennent pour cibles des personnes de troisième âge en leur attribuant tous les péchés d’Israël et tous les malheurs dont sont victimes  la famille biologique du de cujus.

   L’indifférence des humains devant une dépouille mortelle va de paire avec l’influence des us et coutumes de certains groupes ethniques africains.  C’est le cas d’un des groupes ethniques nigérians : les Yorubas pour lequel la réincarnation de l’âme est une croyance traditionnelle en ce sens quand une mère perd un enfant, si l’affliction est grande pendant une courte période de temps, on ne considère toutefois pas l’évènement de malheur épouvantable, car on voit les choses comme ce refrain Yoruba : «  C’est l’eau qui a été réservée ; mais la calebasse porteuse n’est pas brisée ». Pour les Yoroubas cela signifie que la calebasse c’est-à-dire la mère peut concevoir un autre enfant qui sera peut-être une réincarnation de celui qui est mort.

   Pourtant, les vrais humains aux sentiments normaux devraient en principe exprimer leurs douleurs ainsi que leurs compassions devant la dépouille de l’illustre disparu peu importe l’espérance de la résurrection.

   Comment ne pas exprimer sa douleur, verser ses larmes devant la dépouille mortelle d’un être cher  quand l’on sait que même Jésus Christ  comme le disent les Saintes Ecritures avait versé ses larmes à la suite de la mort d’un de ses amis Lazare ?

© OEILDAFRIQUE

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