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A Sibiti, dans le département de la Lékoumou, à environ 400 km au sud-ouest de Brazzaville, Odette Pembé, une autochtone (Pygmée), et Franck Madounga, un bantou, vivent ensemble depuis 6 ans. Pour eux, peu importe les moqueries, puisqu’ils s’aiment. Une évolution positive vers l’intégration des populations autochtones dont se félicite Jean Denis Toutou Ngamiyé, président de l’Association pour la promotion socioculturelle des populations autochtones du Congo (APSAC).
Monsieur Franck Madounga, pouvez-vous nous raconter le jour de votre rencontre avec Odette Pembé ?
J’ai rencontré maman Odette Pembé ici à Sibiti, il y a six ans. Depuis, nous vivons ensemble.
Odette Pembé, pouvez-vous nous raconter dans quelles circonstances vous vous êtes rencontrés avec Franck Madounga ?
Nous nous sommes rencontrés d’abord à Indo lors d’une veillée, puis dans un bistro à Sibiti. Après avoir fait davantage connaissance, nous avons décidé de vivre ensemble.
Monsieur Madounga, pourquoi ne pas faire comme d’autres bantous qui sortent secrètement avec des femmes autochtones puis les abandonnent par la suite ?
Quand tu aimes une femme autochtone, il faut le faire ouvertement et vivre avec elle dans une même maison. Mais, les autres hommes bantous sortent la nuit avec les femmes autochtones et les dénigrent la journée… De mon côté, j’avais pris la résolution de vivre avec maman Odette au vu et au su de tout le monde, bien qu’elle soit autochtone.
Pourquoi avez-vous choisi de vivre avec maman Odette ?
La vie est faite ainsi. Je l’aime et elle aussi m’aime. Nous vivons donc ensemble.
Maman Odette, pourquoi avez-vous accepté de vivre avec monsieur Franck ?
Il m’aime et moi aussi je l’aime.
Papa Franck, comment ont réagi vos enfants, mis auparavant au monde par une autres femme ?
Avant de vivre avec Odette, j’ai eu cinq enfants avec une femme bantoue. De son côté, maman Odette aussi a eu cinq enfants d’une première union avec un autochtone. Mais, nous nous aimons, j’ai ainsi accepté ses enfants comme les miens. A la maison, nous avons dix enfants. Tous savent que je suis leur père et Odette leur mère.
Comment réagissent vos parents et la communauté bantoue ?
En ce qui me concerne, les parents ne parlent jamais. Ils savent que je suis toujours avec maman Odette Pembé. C’est le cœur qui parle. J’ai fait mon choix : je reste avec elle. Les gens parlent ou critiquent, je ne fais pas attention à eux.
Il y a quand même des gens qui se sont moqués de vous ?
Il y en a eu beaucoup, surtout les premiers jours de notre vie commune. Il fallait avoir du cœur pour surmonter toutes ses railleries et moqueries, mais j’ai défendu mon couple.
Que disent concrètement les gens qui se moquent de vous ?
Souvent, quand ils me voient, ils disent avec un air moqueur : « Regardez le jeune bantou qui a épousé une femme autochtone ! » Je m’efforce de ne pas s’occuper de ce qu’ils racontent.
Vous avez fait six ans de vie commune avec Odette, avez-vous des regrets ?
Je n’ai aucun regret. Seule la mort pourra nous séparer.
Monsieur Jean Denis Toutou Ngamiyé, que dit la loi 2011 sur les couples discriminés ?
Selon la loi du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones, la personne discriminée peut porter plainte. Son article 1er interdit d’appeler un autochtone « pygmée ». En cas de plainte, celui qui emploie ce mot est passible d’un emprisonnement de 30 ans et d’une amende allant de 200 à 500 000 Fcfa (300 à 750 €, Ndlr).
Est-ce qu’au niveau de Sibiti il y a déjà eu des plaintes ?
Il n’y a jamais eu de plaintes d’un couple bantou-autochtone discriminé. Dans la Lékoumou, le couple Franck et Odette n’est pas le premier. Au village Moukassi, une femme bantoue a quitté son mari, bantou lui-aussi, pour rejoindre un homme autochtone. En tant que président de l’Association pour la promotion socioculturelle des populations autochtones du Congo (APSAC), c’est une victoire pour moi de voir ces couples mixtes se former.
Franck, vous subissez des discriminations, pourquoi ne portez-vous pas plainte ?
A cause du manque de moyens financiers.
Et vous, Odette, pourquoi ne portez-vous pas plainte ?
Les gens se moquent souvent de Franck quand ils le voient dans les bars dancings, mais devant moi, ils ne peuvent pas se moquer de lui. Du coup, je ne peux pas les poursuivre.
Franck, quels sont vos projets avec Odette ?
Cette année, nous avons un champ de manioc et d’arachides à maturité que nous comptons vendre. Nous attendons aussi un enfant, premier fruit de notre union commune.
Connaissez-vous d’autres couples mixtes à Sibiti ?
Bien sûr ! À 5km d’ici il y a deux couples mixtes bantou-autochtone. Un de ces couples a même déjà 4 enfants.
A l’avenir, vos enfants épouseront-ils facilement les gens d’une autre communauté ?
Pourquoi pas ? Si nous, les parents, avons commencé à le faire, pourquoi nos enfants ne le pourraient-ils pas ?
Maman Odette, comment voyez-vous l’avenir de votre futur enfant ?
Notre enfant sera libre d’épouser la personne de son choix.
Ngoma Sandrine
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