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Pour contrer la menace terroriste, le président de la République propose d’introduire l’état d’urgence dans l’article 36 de la Constitution. Une loi organique détaillera ensuite les mesures permises de manière exceptionnelle en état d’urgence.
« Nous devons nous défendre dans l’urgence et dans la durée. » Devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, François Hollande a annoncé plusieurs mesures d’ordre juridique pour répondre à la situation de « guerre » contre Daesh dans laquelle la France est embarquée.
Première mesure immédiate, la présentation devant le Parlement, dès mercredi, d’un projet de loi prolongeant de trois mois l ’état d’urgence . Cet état a été déclaré depuis samedi minuit, par un décret pris lors du conseil des ministres réuni pour l’occasion, trois heures après les attentats terroristes . Sa prolongation au delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement.
Mais François Hollande veut aller plus loin et adapter la loi de 1955 « à l’évolution des technologies et des menaces ». Côté technologie, on peut supposer que ces mesures pourraient concerner la surveillance et l’intrusion via les nouvelles technologies dont on a vu combien elles étaient utilisées par les réseaux de terroristes. Elle pourrait aussi prévoir des mesures exceptionnelles concernant les multiples fichiers qui existent actuellement. La nouvelle loi devrait aussi instaurer « un régime juridique complet » pour les perquisitions administratives et les assignations à résidence.
« Faire évoluer (la) Constitution » pour agir « contre le terrorisme de guerre »
A l’heure actuelle, le ministre de l’Intérieur peut assigner à résidence toute personne « dont l’activité est dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics ». 104 assignations à résidence ont été prononcées depuis samedi, selon un bilan établi lundi matin par le ministre, Bernard Cazeneuve. Il peut aussi ordonner « des perquisitions à domicile de jour comme de nuit », sans passer par l’autorité judiciaire. Ont ainsi été menées 168 perquisitions administratives qui ont conduit à 23 interpellations et à la saisie de 31 armes, toujours selon Bernard Cazeneuve. Le ministre, ou les préfets, peuvent aussi décider la fermeture provisoire des salles de spectacles et des lieux de réunion, et la « remise des armes » par leurs propriétaires.
Pour consolider l’ensemble, le président de la République propose de « faire évoluer (la) Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir, conformément à l’Etat de droit, contre le terrorisme de guerre ». Il existe aujourd’hui dans la Constitution deux articles permettant à l’exécutif d’agir hors des normes légales habituelles pour répondre à des situations exceptionnelles : l ’article 16 sur les pleins pouvoirs donné au président de la République « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu » ; et l’ article 36 , décrété en conseil des ministres, qui transfère les pouvoirs de police à l’autorité militaire.
Un plan juridique exceptionnel et une manoeuvre politique
« Ces deux articles ne correspondent pas à la situation actuelle, et pourtant nous sommes en guerre », a justifié François Hollande. Il reprend alors à son compte une proposition du comité Balladur de 2007 sur la réforme des institutions qui avait recommandé une réforme de l’article 36. « L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en conseil des ministres. Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Une loi organique définit ces régimes et précise leurs conditions d’application », écrivait les sages du comité. C’est à celle-ci que le président de la République fait référence, comme il l’a précisé. Dans le cas du projet constitutionnel présenté par le président de la République, la loi organique devrait détailler, en les modernisant, en les sécurisant, et en les élevant au niveau constitutionnel, les mesures prévues par la « nouvelle » loi de 1955 qui sera présentée au Parlement mercredi.
Un plan juridique donc exceptionnel mais une manoeuvre politique aussi à trois semaines des élections régionales. D’une pierre deux coups. Même si, pour l’instant, l’opposition renâcle. Le chef de file des députés Les Républicains Christian Jacob a répondu lundi à François Hollande que « rien à ce stade ne semble justifier » une révision de la Constitution, après les attentats de Paris. « Nous avons tous les outils juridiques à notre disposition », a-t-il déclaré, depuis la tribune du Congrès à Versailles, après le discours du chef de l’Etat. En 2008, le Conseil d’Etat avait disjoint du projet de révision constitutionnelle l’inclusion de l’état d’urgence en expliquant que ce n’était pas nécessaire, le législateur étant compétent pour concilier les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public. Il semble difficile à long terme pour l’opposition, de refuser de voter une réforme constitutionnelle (voulue, qui plus est, en son temps par Edouard Balladur) et destinée à lutter contre le terrorisme.
(Lesechos)
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