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Malgré un moratoire sur l’expulsion de sans-papiers vers la République démocratique du Congo, le Canada s’apprête à renvoyer au moins deux Congolais considérés comme des criminels de guerre, tous deux établis depuis 15 ans à Montréal. Ces hommes clament leur innocence. Leurs avocats préviennent qu’on les envoie droit vers la prison et la torture.
Félicien Isomi, 45 ans, devra quitter le Canada, ordre de l’Agence des services frontaliers, quinze ans après qu’il s’est réfugié à Montréal.
Il partira sans sa femme et ses trois enfants nés au Canada. «Je préfère les laisser ici plutôt que les amener avec moi dans la boucherie.»
Son compatriote Claude Mpia-Mena-Zambili, 48 ans, doit lui aussi prendre un avion à destination de Kinshasa. «J’ai peur. Dès que j’arriverai, ils vont m’arrêter et me mettre au cachot dans un endroit inconnu.»
M. Mpia-Mena-Zambili partira aujourd’hui. M. Isomi devait prendre un vol le week-end dernier. Un sursis demandé à la dernière minute par son avocat, Stéphane Handfield, a retardé l’inévitable. Mais jusqu’à quand?
Criminels ou réfugiés politiques?
Aux yeux du Canada, les deux hommes sont potentiellement complices de crimes contre l’humanité parce qu’ils ont tous deux travaillé comme fonctionnaires pour le gouvernement des présidents Kabila père et fils.
Selon le président de la Communauté congolaise de Montréal, Jean-Pierre Wafuana, ce sont au contraire des citoyens exemplaires et impliqués dont la sécurité est en péril s’ils sont expulsés. «Ils seront envoyés dans des cachots, et là, c’est de la torture qu’on applique. Pas autre chose.»
Qu’ils soient criminels ou réfugiés, ce serait les «jeter aux lions» que de les renvoyer dans le pays qu’ils ont fui, croit l’avocate Allison Turner, spécialiste des questions de crimes de guerre. «Le Canada a donné refuge à ces gens durant toutes ces années, on les a laissés faire leur vie ici et fonder une famille, comment peut-on décider de [les renvoyer] du jour au lendemain?»
Selon elle, si le gouvernement croit que les deux hommes sont des criminels, il faut alors les juger ici. «En les renvoyant, on n’a aucune garantie qu’ils auront droit à un procès juste et équitable, dit l’avocate. Le Congo n’a pas un système judiciaire indépendant. Le Canada doit s’assurer que leurs droits fondamentaux seront respectés avant de les renvoyer, ce qui ne sera pas le cas.»
Une vie à Montréal
Avant de fuir son pays d’origine, Félicien Isomi a travaillé comme agent de renseignement durant quelques mois dans les années 90, sous le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila.
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